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Les noms de ses compagnons d'armes, les lieux et même l'heure exacte où il a embarqué sur une barge pour libérer les plages de Normandie... Le 28 mai, Hubert Faure aura 100 ans, mais il garde en mémoire chaque détail de ce 6 juin 1944. « Aujourd'hui, je témoigne pour les jeunes... Quand je vais dans les écoles, les yeux des enfants brillent », s'émeut l'énergique officier qui a débarqué aux côtés des Alliés et que le public découvrira ce soir dans « Les Français du jour J ». Fait prisonnier dans l'est de la France en août 1940, évadé puis détenu par les Espagnols, Hubert Faure s'échappe et gagne l'Angleterre en 1943. A bientôt 30 ans, il se porte volontaire pour intégrer le commando de 177 Français dirigés par Philippe Kieffer. « C'était inconcevable de laisser notre pays aux mains des Allemands », justifie l'ex-soldat de la cavalerie motorisée devenu maître principal dans la marine. « Nous sommes allés nous entraîner pendant un mois et demi. J'étais à la tête d'une section de 30 hommes. Le 25 mai 1944, Kieffer nous a réunis pour nous indiquer que nous allions partir pour le Débarquement. Il a dit : Je dois vous prévenir : il y a aura 50 % de perte. Ceux qui veulent partir peuvent le faire tout de suite. »H faure
Les hommes sont restés, envoyés dans un camp militaire à Southampton. « Là, on a pu voir des cartes de la Normandie avec de faux noms. On devait débarquer le 5 juin, mais cela a été remis au 6 à cause de la météo... En mer, le temps était mauvais, poursuit-il. Dans la cale, ce n'était pas beau à voir : nos gars étaient malades. Certains disaient : demain, je vais être tué. Or, souvent, cela a été vrai. »


Le matin du 6 juin, les plages d'Ouistreham se rapprochent enfin. « J'étais sur la dernière barge. Il était 7 h 21, se rappelle le vétéran. Nous avons sauté à l'eau avec 30 kg sur le dos. Nos talkies-walkies et un lance-flammes ont été endommagés. Les obus tombaient dru. J'ai été blessé à la plèvre par une déflagration. Je crachais du sang. J'ai perdu un groupe de 14 hommes. »
A terre, les Français croisent les premiers civils. « Ils criaient : « des Tommy », car ils croyaient que nous étions Anglais ! Notre mission était d'investir le Casino tenu par 80 Allemands et leurs canons », précise Hubert Faure. Passé le pont de Bénouville, le groupe investit Amfreville (Calvados) pour protéger l'atterrissage de planeurs chargés de matériel.
« Avant la nuit, ça s'est mis à tirer de partout. Mais, on a vu les planeurs atterrir dans un champ. Là, on a compris que
c'était gagné », s'exclame l'officier. La pire journée a été celle du 11 juin : « on a été attaqués par la 21e SS Panzer et on a perdu beaucoup de monde. » Evacué en Angleterre, il revient en France pour la bataille de la poche de Falaise
avant d'être mobilisé pour le débarquement en Hollande le 1er novembre 1944. Blessé dans un accident de jeep, le maître principal rentre chez lui en Dordogne.
Après la guerre, il mènera une carrière d'ingénieur en travaux publics dans le civil tout en revenant sur les plages normandes lors des commémorations du 6 juin. « Cette année, c'est important, car c'est la dernière fois pour moi, souligne le centenaire élevé au grade de commandeur de la Légion d'honneur en 2008. Je vais être présenté au président Hollande, voir la reine d'Angleterre. Mais, j'irai surtout sur les tombes de mes camarades. »
Le Parisien